Tarek Essaker   -   Tarek Essaker

“Il serait beau qu’un son de musique
le bruit d’un sable vagabond
le chuchotement d’une passion
la colère d’une rébellion
le hasard d’une ivresse
les choses du monde et nos déraisons
soient les derniers éclats de nos vies”

Tarek Essaker Traduction en arabe de Ziad Ben Yioussef :

“Par-delà la rivière, comme un automne qui enfouit son secret, en elle, s’envolent ses mots rendus au silence, comme décident de partir les oiseaux migrateurs, livrés à eux-mêmes.”

TAREK ESSAKER La Fille de la Rivière. Édition Maelström 2021.

Paria parmi les paria, cauchemars parmi les cauchemars

Tout à la fois nègres, peaux rouges, tziganes, en fuite, en cavale.

Affamés et terriblement pauvres à mordre les poussières des routes, à boire les sels de mers, l’amertume des pluies torrentielles, l’argile des chemins.

Je vais mourir quelques années plus tard parmi youyous et colères. Un monde en moi s’éveille et un autre s’endort. Je porte en mon corps ma liberté mon secret, comme une promesse qui vient des origines abyssales. Je ne mesure pas mes pas, ce ne sont encore que des chemins qui se croisent et se perdent, tout est en devenir en remous.

Je marche insolite, choquante, bruyante, amoureuse, rêveuse.

C’est ainsi que j’ai l’impression de renouer avec la vie.

Je marche le long du chemin de terre humide glaneuse d’eau et de chant. Je marche au rythme de l’univers. Tout bruit, choquante, bruyante, fouillant partout pour mieux fleurir, faire l’amour sans malice…

Tout en errance, en silence, désirante, bondissante pour plus de vie, sans rien atteindre…Ma tête nue ne pensera rien !

Tarek Essaker. Extrait de “La glaneuse”. Editions Le Mot Fou, 2013

L’HOMME À L’ARIDE AURORE

Chaque motte de terre

Ne faut-il mon amour

L’abreuver de ta dissidence ?

Tant que ton corps

Respire l’eau

La pierre

Le thym et la jacinthe

Le ciel

Les cerfs-volants

Le jour

La lumière

Les douleurs d’une femme

Qui accouche

La fatigue d’une attente

La tienne et celle des étoiles

Filantes

Je me trouvais dans

Des langues qui ne signifiaient

Rien

Ou tout au plus

Très peu

Chaque regard scintillant

Comme un papillon

Indescriptible

Nous faut-il le border

De possibles ?

Jusqu’à ce que le vent

Se lève

Et descende les murs des hommes

Murs et injustices

Qui brillent

Tendus

Vers le jour

Vers la nuit

Plutôt ni le jour ni la nuit

Vers l’ivresse et l’insomnie

Vers l’errance

Vers les eaux mortes pour hâter ton silence

Pour vénérer la face obscure

De la roche

Donnant ta forme à des lèvres

Inclinées qui empestent la peur

Et la prière !

Murs

Nébuleuse aurore

Éparse

Les deux mortifiés

Débouchent sur le vide

Donnant sa forme

Pauvrement

Aux mensonges de l’époque

Murs

Que chaque battement de cils

Qu’à chaque souffle

Approuvant la mort

Fortifie une entente

Insoutenable

Et un assaut contre la vie

La tienne

Amou

La colère est là

Immobile

Même s’il semble

Qu’elle étouffe avec

Ses héros

Et la lâcheté des vainqueurs

Ceux qui n’hésitent

À désosser leur sale besogne

Les choses arrivent

Portées comme

Par des marées de questions

Et de possibles

Combien faut-il de nuit

Pour que chaque respiration

Déploie ses désirs

Défasse ses redondances dominantes

Et devienne débarcadère

D’insurrection

Et de désobéissance ?

Tarek Essaker. Janvier 2022.