LÉGION
Si j ’ai le droit de dire, en français, aujourd’hui,
Ma peine et mon espoir, ma colère et ma joie
Si rien ne s’est voilé, définitivement,
De notre rêve immense et de notre sagesse
C’est que ces étrangers, comme on les nomme encore,
Croyaient à la justice, ici-bas, et concrète
Ils avaient dans leur sang le sang de leurs semblables
Ces étrangers savaient quelle était leur patrie.
La liberté d ’un peuple oriente tous les peuples
Un innocent aux fers enchaîne tous les hommes
Et, qui ne se refuse à son cœur, sait sa loi
Il faut vaincre le gouffre et vaincre la vermine
Ces étrangers d’ici, qui choisirent le feu,
Leurs portraits, sur les murs, sont vivants pour toujours
Un soleil de mémoire éclaire leur beauté
Ils ont tué pour vivre, ils ont crié vengeance.
Leur vie tuait la mort au cœur d’un miroir fixe
Le seul vœu de justice a pour écho la vie
Et lorsqu’on n’entendra que cette voix sur terre,
Lorsqu’on ne tuera plus ils seront bien vengés,
Et sera justice.
Paul Éluard, Cinq ans après