PAPUSZA-Bronislawa Wajs   -   PAPUSZA-Bronislawa Wajs


Bronisława Wajs 
(1908/1910?-1987), surnommée Papusza (Papusza signifie poupée, lalka en polonais, c’est le petit nom que sa mère lui donnait), était une poétesse et musicienne Tzigane, née en Pologne dans une familleappartenant au groupe des Polska Roma. Elle fut la première tsigane dont les poèmes en romani ont été publiés et traduits en polonais, sous le régime communiste au début des années 1950. Elle savait lire et écrire à une époque où très rares étaient les enfants tsiganes qui savaient bien le polonais : 

« J’ai appris à lire des journaux et des livres, et je lisais beaucoup. J’ai appris à écrire aussi. Mais je gribouillais car je ne faisais pas assez d’exercices. » Plus loin, elle avoue : « Certains étaient méchants avec moi, parce que je savais lire et que je gagnais bien ma vie, ils racontaient de vilaines choses dans mon dos. Moi, pour les agacer, je lisais encore plus, et j’allais dire la bonne aventure. »

 Trahie par les siens et incomprise par les autres, elle était Nature, une fille de la forêt. Son cri était un chant pur comme l’eau, émouvant comme le feu, qu’elle nous a laissé dans quelques poésies magnifiques. Après avoir été rejetée par les siens, elle a cessé d’écrire et est morte abandonnée à la misère et au silence. 

Dans ses « épopées », Papusza aborde la guerre à trois reprises. Elle évoque notamment des massacres de tsiganes par les nazis et les nationalistes ukrainiens, massacres auxquels elle a échappé de justesse. Papusza devint alors poète en 1950, la poétesse quasi officielle des tsiganes en Pologne. Elle n’aimait pas ce terme, mais elle en était fière. Chaque année, à Gorzów, de grands rassemblements célèbrent sa mémoire, ses textes sont chantés et revit sous un nouveau soleil, celle qui aimait se présenter ainsi :

 « Toute ma vie, je l’ai passée sur la route, avec ma famille, mes frères et mes sœurs. On n’était pas des voleurs, nous ne faisions que jouer de la musique et dire la bonne aventure. Nous ne possédions aucun bien, hormis un cheval et notre roulotte. Nous vivions au jour le jour. La forêt ennoblit l’homme. Celui qui passe sa vie à la forêt, apprend à apprécier la liberté. Nous voyagions de village en village, les mains nues. Nous serrions nos enfants dans nos bras, nous mangions le pain des mendiants. Impossible d’oublier cette vie. Il y a des souvenirs qu’on ne saurait pas arracher à son cœur. Je n’oublierai jamais mes voyages, mon campement. J’en suis fière. Ne dites pas que je pleure parce que ces souvenirs me font de la peine. Non. Je suis très heureuse. »

Choix de poèmes (traducteur en français inconnu): 

Tel un buis d’or sous la forêt,
toute pelotée comme un bolet,
j’éclos sous la tente Tzigane.
J’aime le feu, mon cœur ardent.
Les vents soufflant, petits et grands,
berçaient la petite gitane
puis la lâchaient comme un oiseau.

Larmes de pluie, vous me baignez,
soleil en or, Dieu des Tziganes,
vous réchauffez mon jeune corps
et enflammez si bien mon cœur.

L’eau qui jaillit reste très sage,
je m’y suis juste lavée les yeux …
L’ourse qui erre dans la forêt
suit juste le croc, lune d’argent,
et puis le loup a peur du feu,
il ne mordra pas les Tziganes.

Petite gitane se promène loin dans le bois,
et le cheval hennit,
réveillant les gadjé,
mais son p’tit cœur sourit se remplissant de joie.
L’écureuil sur le toit,
grignote quelques noix.

Comme la vie est belle,
vous entendez tout ça ?
Que la nature est belle,
vous voyez tout cela?

Ô que c’est beau,
les baies noires se glanent
comme des larmes tziganes !
Ô que la vie est belle,
c’est l’ printemps, renouveau,
et le chant des oiseaux !

Ô que c’est beau, près de la tente,
une fillette chante
à côté du grand feu !
Ô, que c’est beau, tous ces amis
revenus jusqu’ici
écouter les oiseaux,
le roucoulement des enfants
et la danse et le chant,
des garçons et des filles.

Ô que la vie est belle,
aller la nuit à la rivière,
pour attraper, mains nues,
des poissons froids comme l’eau fraîche !

Ô que c’est beau, aller aux champignons,
y rapporter l’amour,
quand dans le feu, cuisent les pommes de terre …
Et le cheval tzigane attend dans l’herbe fraîche
que la roulotte soit prête pour reprendre la route.

Ô que les nuits sont belles, à rester éveillée
au concert merveilleux des grenouilles enjouées !
Comme la poule conduit vers le ciel ses poussins,
la roulotte des gitans poursuit son long chemin
et sous l’aile d’une Tzigane brille votre destin,
lueur douce argentée d’une petite lune,
reflet perpétuel de nos ancêtres indiens,
luisance cachée sous la tente du nourrisson
repliée comme une aile protégeant l’oisillon.
Il est là votre avenir, que sait lire le gitan,
au milieu de la ronde, dans le cercle des enfants.

Ô que c’est beau, regarder là haut vers les cieux
sans pouvoir épuiser ces nuances de bleus !
Ô que c’est beau, plonger dans le noir de tes yeux,
donner un baiser sur ta peau brûlée de feu !

Ô que c’est beau, le bruissement de la forêt
qui murmure ses chansons .
Ô que c’est beau, le ruissellement des rivières
qui me remplit de joie.
Que c’est beau, le miroitement des eaux profondes
qui me laissent tout leur dire.

Ainsi, personne ne me comprend,
à part les forêts et les eaux.
Tout ce que j’ai écrit ici,
tout cela s’est passé depuis longtemps
et tout cela a pris tout en même temps
et mes jeunes années.

Ma terre, je suis ta fille

(Titre original: Phuv miri me som ćhaj tiri)

O terre, O forêt,
Je suis votre fille.
Bercée au son des arbres, rythmée au bruit du sol.
La rivière me transforme telle une mélodie
dans une chanson tzigane.
Je rejoins les montagnes,
dressées haut dans le ciel,
J’ai mis ma plus belle jupe,
cousue avec des fleurs,
et j’exalte, avec toutes mes forces,
cette terre polonaise, rouge et blanche !

Mais terre, tu es en larmes !
criblée par la douleur.
Mais terre, ton rêve pleure !
tel un petit tsigane
venant naître sur ta mousse.
O terre, pardonne moi de t’avoir blessé
par mes chansons amères,
par la souffrance tsigane.
Faisons de nous deux un seul corps,
après tout, quand je mourrai, tu m’accueilleras !

Terre noire de la forêt,
sur toi j’ai grandi,
dans ta mousse je suis née.
Au milieu de toutes ces créatures,
qui ne cherchaient qu’à mordre
mon jeune corps.
O terre, tu prends dans ton sommeil,
mes larmes et mes chansons,
O terre, tu absorbes ma tristesse et mes joies.
Terre, je crois en toi, profondément.
Je peux mourir pour toi.
Personne ne pourra t’arracher de moi
et je ne te donnerai à personne.

Bronisława Wajs, (poèmes traduits du Romani)

https://poesiedanger.blogspot.com/2022/10/chant-tsiganes-de-papusza.html?fbclid=IwZXh0bgNhZW0CMTEAAR1RNish4lTD9r2wO1LJK8WqAy377PeFaX_WItb-IUtXeTVj3deqforojqE_aem_ZmFrZWR1bW15MTZieXRlcw