ABDELLATHIF LAABI, Le poème de Beyrouth

Le poème de Beyrouth

Je n’ai pas les mots aujourd’hui pour dire ou crier Beyrouth ! Mais je les avais en 1982, lorsque cette ville-peuple-humanité si chère à mon cœur avait déjà subi ce qu’elle endure si cruellement aujourd’hui. Que puis-je partager d’autre avec vous en ce moment, sinon ce « Poème de Beyrouth », reproduit tel quel, sans une virgule de plus ou de moins. Et il faudra du souffle pour le lire jusqu’au bout ! Mais c’est cela ou rien.

Abdellatif Laâbi

Je vous invite à la dissection du rêve

Sur la table d’opération, vous ne verrez pas le corps

apprêté, raide, vert-de-gris, phalanges recroquevillées

des objets de dissection sous anesthésique

Seul un oeil protubérant vous apparaîtra sur la table

rase des lois éclairées par le soleil d’Allah qui a cessé

de briller sur l’Occident et l’Orient pour finir dans

ce réduit où vous êtes appelés à miser vos derniers

pétrodollars, ayant laissé derrière la porte vos armes

matérielles et morales

Arrêtez récitants

tribuns

coryphées

de cette Nation unique

à la mission éternelle

Et vous prophètes imposteurs

mahdis hypercachés

leaders charismatiques soulevant les marées humaines

par un simple cri tribal de ralliement

sortez vos têtes

montrez vos dents gâtées

celles en or

jetez bas vos voiles

déshabillez-vous

peut-être cesserons-nous de débattre mortellement

sur le sexe des anges

de leurs cousins et cousines et de tous les géants-nabots

qui parsèment le cycle infernalement chaotique

de notre histoire

Sur la table rase des derniers commandements

l’Œil

Regardez bien avant de sortir vos bistouris qui ne

coupent plus rien à force d’avoir servi dans toutes

les boucheries domestiques et publiques, moutons,

poulets, dindons de farces sinistres, petits adolescents

dégueulés par vos écoles, vos beaux quartiers, vos

banques avares, « petits justes » ayant levé l’étendard

de la révolte et que vous avez pourchassés jusqu’au

pôle Nord, sous la banquise, pour leur régler leur

compte d’un coup de poignard damasquiné, rutilant,

qui les faisait s’écrouler sur la neige sans même

pouvoir adresser à leurs semblables un dernier cri, un

dernier soupir-message

Regardez bien

chirurgiens de la fin d’un monde

regardez cet œil débranché de tout organe vivant

de toute circulation

veines ou nerfs

superbement animé

malgré tout

paisible quand il est impitoyable

pénétrant jusqu’au délire

fixe et insaisissable

embrassant le tout et la partie

fluide comme mercure

dur comme granit

non détaché de son assise

limpide

si limpide

alors que toutes vos sources

vos rivières

vos lacs

et votre océan de larmes

sont devenus plus pollués que le ciel de Mexico

ou les berges du Gange à Bénarès

Je suis aussi insaisissable, moi qui vous parle. Ma voix

est la seule chose matérielle en laquelle je peux encore

me révéler. Allez donc couper la main ou les testicules

d’une voix. Essayez de trouver la tête d’une voix, le

trou d’où elle pisse, ou alors les seins sur lesquels vous

pourriez accrocher les pinces de vos gégènes. Rien.

Dent sonore. Vos cimeterres n’ont jamais fait mal au

vent primesautier, à la vague nonchalante de haute

mer

Une voix

c’est tout

mais ça parle

ça voit

ça saute telle une puce

un Phantom

ça entre partout

de bouche à oreille

téléphone arabe

minicassettes aidant

ça parcourt je ne sais combien de centaines de kilomètres

par jour

et ça traverse tant de contrées de désolation

camps de réfugiés

fuyant l’ennemi et l’ami

bidonvilles contre lesquels tout le monde

clans confondus

a juré de lutter

ceci

ensuite

les frontières jalouses

les eaux territoriales

l’espace aérien

au-delà des cercles infernaux

où le pouvoir de vie et de mort

commence à hoqueter

battre de l’aile

Mais c’est vrai que si je suis ainsi, c’est parce que je

suis le corps négatif de vos illustres méfaits. Vous avez

la main si lourde. Vous n’équarrissez pas, ne rabotez

pas, ne polissez pas, n’émondez pas, ne découpez pas

en petits ou grands morceaux remplissant chacun

d’obscures fonctions. Vous vous abattez comme la

foudre des temps préhistoriques lorsque l’homme

velu et grognant ses rauques syllabes de primate

promu au plus insidieux avenir, lorsque cet homme-là

n’avait pas encore découvert la sécurisante unicité de

l’Impeccable et qu’il errait sans but apparent dans le

monde exigu de ses frayeurs

Vous ne tuez pas

vous exterminez

Vous ne torturez pas

vous arrachez l’âme avec ses racines

Certes vous ne mangez plus le foie des rebelles,

renégats, dissidents, mais vous vous délectez des

râles de vos moribonds. Cela accroît tellement votre

légendaire virilité, lorsque vous rentrez le soir dans

vos harems et que votre choix se fixe sur l’élue de la

nuit, la belle soumise lavée de fond en comble, rasée-parfumée-

parée, et sur la poitrine de laquelle vous

planterez votre drapeau phallique, celle que vous

empalerez à sec pour obtenir la même tonalité de la

même désespérance du râle de vos rebelles-moribonds

Ô ce discours roide que j’inflige

ce venin guérisseur des nostalgies

et de la fragilité

de ma coquille de serpent empêtré dans ses mues

ce souffle qui m’empoigne par les cornes

du taureau mythique

piaffant dans ma luette

ce chancre qui descend du cerveau

pour s’expulser par les orteils

cette vivisection

à même le coeur nu

haché

tout fumant

débranché de ma passion dévorante

Une voix vous dis-je

une simple voix

mais dotée d’un oeil monstrueux

qui voit la fourmi noire dans la nuit noire

de la cécité contagieuse

Voici venir

l’éruption

annonciatrice de la transe

Mais Beyrouth

vous souviendra-t-il ?

Brinquebalante hémorragie du cancer tonique

rose de vitriol tatouée

sur le phallus princier

dégoulinant de naphte

moignons exorbités par fournées

dans Cadillacs noires rideaux baissés

chauffeurs en livrée livrant l’horrible ristourne

dans quelque ressac

où viendront s’abreuver les charognards

Et de rots en pets louange à Dieu

de pets en coïts de bedaines émirales

s’échappant en bulles sans commentaire

des palais tentes caïdales

dressées aux portes du désert clandestin

s’étale

sans foi ni loi

la chape blennorragique

de la nuit-des-longs-coutelas fraternels

Beyrouth

qui vive ?

dans la panique des dieux

tabou de compassion

rien qui puisse germer dans le coeur

zone interdite de larmes

Aïe Hiroshima Auschwitz Cinco de la tarde Sang

noir d’OEdipe faisant hara-kiri Descente de la croix

Bagdad, l’autre Christ sémite brûlant de vérité Saint

Spartacus d’Agadir et d’Al-Asnam Moctezuma

de toutes races, continents engloutis Arméniens

Aborigènes Kurdes Albigeois Rose des vents de

toutes défaites Fosses communes des cinq continents

et de la lâcheté universelle Paisanos abattus comme

autant de régimes de bananes Corrupteurs sur

terre torturés-jugés-condamnés-exécutés avant que

le Guide suprême n’ait baissé son index accusateur

Splendides communes d’ici ou là réduites tonnes et

strates de cendre couvant l’irréductible braise

Et j’en passe

j’en saute des pages

chapitres

volumes

du grand registre

de la divine

de la sainte et humaine Inquisition

Beyrouth

quelque part dans ce désert

cri inaudible

d’un enfant crucifié sur le seul menhir

échappé à la destruction des idoles

Ses yeux impavides

grands

immensément ouverts

sur la carte du ciel

des oasis extorquées

à même la fontanelle des nourrissons

la paume aux lignes effacées

des intouchables

jetés dans les silos fétides

du silence rampant

Ses yeux ouverts

telle la déchirure de l’éternité

« Je suis un survivant de Sabra », murmure-t-il

et le désert

gigantesque oreille

que traversent

les rafales d’indifférence

Et le silence fut

hormis toi Beyrouth

Ô ma déchirure d’androgyne éperdu

ayant répudié les patries étroites

ayant fendu ma poitrine

pour m’arracher le coeur

le porter à bout de bras

jusqu’à ce qu’il se transforme en soleil

pour illuminer la pénombre de notre exode

En toi Beyrouth

sur ton flanc

hérissé de dards

miné jusqu’à la rencontre de ta matrice

je me laisse aller à mes vaticinations

J’ai besoin de cette redoutable folie

d’immolation

et de scalp

J’ai besoin d’extrême métamorphose

dans le gosier et la fureur

de mes ancêtres illuminés

aèdes au sceptre inouï

caravaniers de constellations en dérive

Tel

remerger

voix maelström de la comète du cri

oeil d’avant la tragique Raison

oeil-voix évadé de l’inconscient des holocaustes

immatériellement ivre

imprenable arc-en-ciel

dessiné par le dernier souffle des martyrs

Et je vous vois

templiers de toutes les forfaitures

bannières et tatouages confondus

sectaires

ruminant et mâchant

la gomme lubrique d’ataviques haines

vous pourléchant les babines

devant le corps sans défense

de la misère infinie

de l’exode infini

de la tristesse infinie

et de la damnation de l’Histoire

Je vous vois

tant il me coûte de vous voir

et vous me faites mal

si mal

aux racines de l’espoir que j’ai édifié

de main de maître-des-ordalies

à l’assise de ce continent

dont je me suis fait le forçat

et que j’ai construit

pierre par pierre

pour endiguer la barbarie

sauvegarder l’humaine face

Je vous vois

tant il me coûte de vous voir

horde essaimant

légiférant cannibales

bourreaux déboussolés par la tâche colossale

dégoulinant de morbides orgasmes

vautrés sur Beyrouth

écartelée

jusqu’à la déchirure irrémédiable

Hurrah !

votre règne est arrivé

Par ici Messieurs. Donnez-vous la peine. Alléluia au

retour du peuple prodige et prodigue. Faites comme

chez vous. La terre appartient à celui qui la conquiert.

Les hommes à celui qui les châtre. Entrez. Entrez. Ne

nous faites pas l’affront d’essuyer vos bottes ou de les

enlever avant d’enjamber l’enceinte de nos misères

consenties. Voici les camps de ces nomades déchus,

de ces vagabonds qui ont des prétentions sur Eretz

Israël. Ils n’ont encore rien compris. Mais vous n’allez

pas vous salir les mains pour si peu de chose. Il suffit

de lâcher sur eux leurs propres frères ou leurs faux

frères. La nuance n’est pas de taille. Ils ont l’habitude

de s’entretuer. Un vieil atavisme. Rezzous. Loi du

talion. Prix du sang. Laissez passer. Laissez faire. Il

vous suffira de débrancher les téléphones. Et vous

récolterez les fruits propres de la sale besogne

Ô Babi Yar My Lai Massada

qui octroiera le droit de vie et de mort

dans les siècles des siècles

après le dépeuplement du ciel

et la sécheresse cyclique des consciences

Quelle loi invoquer

pour sceller l’égalité devant la mort

désaltérer cette nostalgie générique

au fin fond du coeur de l’homme

ce besoin irrationnel

de laisser une trace

un chaînon de mémoire

un petit signe de tendresse

de son passage sur terre ?

Mitraille hoquetant le sang incorruptible

jeu de massacre

froidement

de haut en bas

la pyramide des âges

à bout portant

pour économiser le cri

Mitraille

à la régalade cantonade

mitraille délivrance

de la lancinante douleur d’être

mitraille interdiction d’adieu

dernier baiser

stèle funéraire

mitraille geyser

giboulée par mer

air

terre

mitraille

qui vive

outre-tombe ?

Un holocauste ! Pensez-vous. Faux-sens. Allez chercher

dans les bons dictionnaires. On parie ? On vous l’a

dit. C’est réservé. Comparer l’incomparable. En voilà

des manières !

Mais où en étions-nous donc ? Alléluia. Par ici

Messieurs. Donnez-vous la peine. Évoluons méthodiquement.

Oh là là. Que de journaux, maisons d’édition,

centres culturels ! Manquait plus que ça. Des Arabes,

et ça pense, ça écrit, ça se creuse les méninges. Fusées

éclairantes : bombardements ! Ouf, faisons table

rase. À leur place. Sinon, ils en seraient incapables.

Il leur faudra commencer par le commencement.

Apprendre à raisonner. Calculer. Lire, écrire, dans des

manuels expurgés des mites de leur âge d’or, des tares

d’éloquence et de leur rhétorique crasse

À votre droite, vous avez les banques. Fusées

éclairantes ?

– Non. C’est un moindre mal. Regardez plutôt du côté

des immeubles, des quartiers populeux, là où creuse

la vieille taupe, où gît le lièvre voilé, où les femmes

donnent avec le sein le gène suspect de l’instinct

criminel. Fusées éclairantes. Bombardements !

Ensuite, répandez du sel. Et que plus rien ne pousse

sur cette terre ingrate, hormis l’ordre pasteurisé du

réalisme à notre solde

Beyrouth

Ô marâtre écartelée

jusqu’à la déchirure irrémédiable

tu gardes les yeux ouverts

sur ton ciel assombri

par des nuées de volatiles

et tu distingues à peine

s’ils sont les vautours de ton calvaire

ou les phénix du désert

en mal de résurrection

Dors

dors mon petit Occident de pacotille

dors sur tes lauriers

trempés dans le sang amnésique

choisis tes oublis

tes chancres

tes élixirs de jouvence

exulte dans les draps fleuris de ton immunité

éructe et fais bombance

bouffe

vomis

et rebouffe

garde tes larmes au compte-gouttes

sur nos famines gargantuesques

le fléau de nos potentats

nos jougs épidémiques

garde tes aumônes subtilisées à même

nos caisses trouées

nos silos de grains et d’hommes

garde bien tes frontières

tes femmes

et ton coeur

construis ton Rideau

ta Muraille

et crève dans ta mauvaise conscience ultra-sélective

J’en ai marre

de te clouer au pilori de mes hautes blessures

de m’égosiller de ce côté-ci

de la portion congrue

des rogatons de tous les biens de ce monde

J’en ai marre

de fourbir mes défenses de bête noire

pour larder le ventre mou de ta somnolence

J’en ai marre

de ce métier de réveilleur de cadavres

Voici Beyrouth

j’en fais une frontière ardue

entre l’humain et l’inhumain

la justice et la barbarie

et je n’en dis pas plus

Ô Beyrouth

je t’en conjure

fais que le miracle s’accomplisse !

Silence

l’abracadabrant silence

Énigme sans faille

sur la terre comme au ciel

du Croissant stérile

Silence

silence lapidaire lapidant

orateurs félons

haut-parleurs cannibales saturés de naphte

rictus du silence espiègle

Silence consensus

pitance quotidienne de couardise

Silence fait de tous les silences consentis

matraque

courbettes

et allégeances

Silence putride

infarctus de la parole

Silence patibulaire

décrété

légiférant

opium licite

Silence flic dans la tête

boulet

troisième oeil espion

Silence prêt-à-porter

dans les cérémonies du silence assourdissant

Silence pur et dur

non équivoque

appel fraternel au suicide bienfaisant

Silence poubelle

pour les serviettes hygiéniques

de l’hémorragique espérance

Silence strabisme à oeillères

Silence coup de poignard dans la poitrine

les yeux dans les yeux

pour en finir avec l’ère des fourberies de coulisses

Silence à couper au chalumeau

dans les coffres-forts où se tapit

la loi du silence

Silence litanie féroce

des larmes de sang

inondant le désert arabe

Silence colis piégé

pétant au nez

de tous les expéditeurs du silence

Ô silence limpide

impitoyable artisan de nudité

Toi

dissident blême

de ces contrées de l’unicité sanctifiée

beuglant comme un extraterrestre

n’en pouvant plus de sa chute

dans le Tiers oublié de la désolation

Cette voix qui t’éparpille

te reconstitue

telle une balle explosive

dans ton corps cosmique

Toi

oeil errant

volontaire de tout exode

crois-tu pouvoir faire jaillir les sources

déclencher les séismes

faire abattre le soufre et le feu

sur les mégalopoles pécheresses ?

Ô mutant de démiurge

hors mythologies

prends du recul

avant de mettre le doigt dans l’engrenage

Regarde bien la machine infernale

de ton époque

son imbroglio de ruses

forces aveugles

Il te faudra apprendre

bien des métiers prosaïques

pour que ton cri

passe le mur du son

inflige des lézardes

à la jungle des monolithes

infectant cette terre nôtre

Te voilà

errant irrémédiable

ayant traqué jusque dans ton crâne

l’inquisiteur lové

hibernant

ayant laissé derrière toi

tout ce qui a nom

fonction

relent de pouvoir

ayant jeté sur tes épaules

le seul havresac de ta liberté

ayant empoigné

ton bâton de pèlerin gitan

Te voilà

au carrefour tentaculaire

de la mort-résurrection

comme un bébé centenaire

soulevant son éprouvette

pour affronter le traumatisme du soleil

et dans la première gorgée d’oxygène

réinventer la vie

Va

homme goulu

incrusté d’énigmes

chaque chemin est obligation

levée de clairvoyances

rosace de forêts vierges

scintillant

dans les oubliettes du futur

Ah vers toi

Beyrouth

nos prières

notre procession d’hommes

armés de leur immense faiblesse

et de la tendresse sauvegardée

malgré le vieux démon de la haine aveugle

du génocide

malgré la dévastatrice intolérance

guerre de religions

de nerfs

et de possession

Vers toi

Beyrouth

nos moignons

les étoiles filantes de nos yeux

et la nuée de rêves-oiseaux-lyres

qui nous picorent le cerveau

Vers toi

cette nuit méconnaissable

où nous trimons

pour revigorer le ciel

de nouvelles constellations

Vers toi

nos maladies honteuses

nos pustules

et nos lèpres

Vers toi

la stérilité qui a frappé nos dons visionnaires

Vers toi

nos murmures inaudibles

dans la cohue du mépris et de l’orgueil

Vers toi

notre silence trempé comme l’acier

et qui se reforme

rutilant d’impitoyables interrogations

Vers toi

notre caravane de misères

de parias ceints de leur suaire

payant le tribut du péché originel

décrété par les zélateurs de l’imposture

Vers toi

ce qui reste de nos vieux réflexes

d’hommes pensants

ne connaissant d’autre refuge

que cette Terre

qui a recueilli nos aïeux

leur a donné le goût de vivre

aimer

lutter

leur a donné

la passion de l’émerveillement et des merveilles

fruits du coeur

et de la main

Vers toi

notre inconditionnelle appartenance

notre chant de terriens

blessés dans la foi de leur dignité

Vers toi

notre transparence d’hommes

sans étiquette de race

religion

couleur

hommes seulement

se présentant devant l’impressionnante balance

de justice

notre bouleversement

ce coeur de tourterelle palpitant

que nous déposons dans ta paume

avant de nous retirer

pour que tu rendes

en ton âme et conscience

ton jugement véridique

Rabat, 1982