Auschwitz est mon manteau
Poème de Ceija Stojka
Auschwitz est mon manteau
tu as peur de l’obscurité?
je te dis que là où le chemin est dépeuplé,
tu n’as pas besoin de t’effrayer
je n’ai pas peur.
ma peur s’est arrêtée à Auschwitz
et dans les camps.
Auschwitz est mon manteau,
Bergen-Belsen ma robe
et Ravensbrück mon tricot de peau.
de quoi faut-il que j’aie peur?
Le ruisseau
était notre baignoire
la rue notre pays natal
notre pain
les hommes qui nous le donnaient
Notre souffrance personne ne la voyait
Nos morts gisent dans la terre
le pays où ils sont nés
La nature est notre première mère
Le vent est le frère du Rom
la pluie la soeur de la Romni
Et tout le reste va avec***
Unsere Badewanne
war der Bach
unsere Heimat die Straße
unser Brot waren die Menschen
die es uns gaben
Unser Leid das sah niemand
Unsere Toten liegen in der Erde
Land wo sie geboren sind
Die Natur ist unsere Urmutter
Der Wind ist der Bruder des Romm
der Regen die Schwester der Romni
Und all das andere gehört dazu(Ceija Stojka)
Recueil: Auschwitz est mon manteau
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/jacques-bonnaffe-lit-la-poesie/auschwitz-est-mon-manteau-6251820
Traduction: de l’allemand (Autriche) François Mathieu
Editions: Bruno Doucey
Ceija Stojka, une artiste rom dans le siècle” à la Maison rouge, du 23 février au 20 mai 2018.
Le mot de l’éditeur :
Elle dit que « le tournesol est la fleur du Rom », qu’elle est une Tsigane qui aime « la pluie, le vent et l’éclair, quand les nuages masquent le ciel ». Elle dit qu’Auschwitz est son manteau et qu’elle ne connaît pas la peur car sa peur s’est arrêtée dans les camps. Elle dit que les notes de ses chansons en romani « sont toutes encore en désordre », mais que cela ne l’empêche pas de dire « Oui à la vie ». Elle, c’est Ceija Stojka, la première femme rom rescapée des camps de la mort à témoigner par l’art et par la poésie. Les poèmes de cette autodidacte ont été arrachés aux carnets où se mêlaient dessins, souvenirs de l’horreur, notes journalières et listes de mots allemands dont elle voulait apprendre l’orthographe. Publiés pour la première fois en France, ils révèlent une artiste majeure de notre temps. Merci, Ceija, d’avoir tellement donné.
Extrait :
« Moi
Ceija
je dis
qu’Auschwitz vit
et respire
aujourd’hui encore en moi
je sens aujourd’hui encore
la souffrance
Chaque brin d’herbe chaque fleur là-bas
est l’âme d’un mort »